L’avenue Montaigne, jadis appelée « Allée des Veuves » en raison des nombreuses femmes en deuil qui venaient y flâner au XVIIIe siècle, est aujourd’hui l’une des plus illustres artères de Paris. Baptisée en hommage à Michel de Montaigne, humaniste et philosophe de la Renaissance, elle est l’incarnation de l’élégance parisienne. Bien qu’à proximité des Champs-Élysées agités, elle conserve une atmosphère feutrée, presque confidentielle. Ses immeubles haussmanniens aux façades travaillées, ponctués de balcons en fer forgé et de lourdes portes cochères, témoignent de la richesse architecturale du XIXe siècle.
Avant que les boutiques de luxe n’y établissent leur règne, l’avenue Montaigne était surtout résidentielle. Elle abritait des familles aisées et des hôtels particuliers, mais aussi le Théâtre des Champs-Élysées, un joyau architectural Art déco inauguré en 1913, qui fut le témoin de révolutions artistiques comme la première du Sacre du Printemps de Stravinsky. L’avenue Montaigne jouissait déjà d’un prestige certain bien avant de devenir le haut lieu de la mode et du luxe
Dans les années 1950, les maisons de couture, jusqu’alors concentrées dans le quartier de l’Opéra, migrent vers l’avenue Montaigne, séduites par son calme, ses larges trottoirs et sa proximité avec une clientèle aisée. C’est l’ouverture de la mythique boutique de Christian Dior au numéro 30 en 1946 qui marque le début de son « âge d’or »
Louis Vuitton, Chanel, Chloé, Balenciaga, Nina Ricci, et bien d’autres suivront, transformant l’avenue en épicentre du luxe mondial. Le cœur battant du Triangle d’Or (formé avec l’avenue George V et les Champs-Élysées) qui réunit tout ce qui incarne l’art de vivre français : mode, haute joaillerie, gastronomie et hôtellerie de luxe. Entourée de palaces prestigieux comme le Plaza Athénée et le Four Seasons George V, l’avenue Montaigne attire une clientèle internationale fortunée en quête de luxe et d’exclusivité.
Quid des Parisiens pour qui l’avenue Montaigne est devenue une échappée exotique, un lieu où ils se retrouvent étrangers chez eux, face à des flagships qui pourraient tout aussi bien briller à New York ou à Shanghai ? Ici, le voyage se fait immobile. Réduits à de simples promeneurs, les Parisiens s’égarent dans un luxe pensé pour d’autres, se contentant au mieux de faire du lèche-vitrine.
Et pourtant, aussi surprenant que cela puisse sembler, il suffit de lever un peu les yeux en arpentant l’avenue Montaigne pour respirer Paris à pleins poumons. Là, au détour d’un balcon ou d’une façade, la fierté d’en être renaît comme par enchantement.
Ouf ! Paris reste indomptable pour qui sait encore la capturer ….
